Mapuche de Caryl Férey
par Daniel Marois
http://quebec.huffingtonpost.ca/daniel-marois/mapuche_b_1649018.html
Posté le 5 juillet 2012
Caryl
Férey, possiblement le plus singulier des auteurs français contemporains, se
distingue à nouveau avec son dernier titre, Mapuche.
Après avoir exploré la Nouvelle-Zélande dans les très
remarqués Haka puis Utu, Caryl Férey a livré le terrible et
combien efficace Zulu, Afrique du Sud
. Avec Mapuche, son regard change de
continent pour se poser en Amérique du Sud, dans le déchirant présent de
l’Argentine.
Jana est une jeune descendante du peuple Mapuche,
largement décimé par les conquérants Espagnols. L’un de ses jeunes amis
disparait subitement. Elle s’adresse à l’enquêteur privé Rubén Calderon, un Argentin
survivant des camps de tortures instaurés sous les régimes dictatoriaux
(1973-1983). Ruben est spécialisé dans la recherche des enfants disparus sous
les régimes totalitaires. Des enfants ravis à leurs parents et donnés aux amis
stériles du pouvoir. Rapidement, il se rend compte qu’il y a un lien entre le
disparu et d’autres personnes enlevées et retrouvées mortes.
Jana et Rubén sont des écorchés vif, deux survivants,
deux désespérés. Ils vont s’allier pour défier les anciens tenants du pouvoir œuvrant
en sous-main comme des bombes à retardement. Ces autorités déchues qui
pratiquent toujours la torture et les vols de la mort, cette fois pour se
protéger des menaces d’emprisonnement contre leurs crimes passés.
Il y a chez Caryl Férey, aussi bien dans l’écriture que
dans les personnages, une urgence à dire et à faire, mais aussi un profond
désespoir qui habite le récit. Bien que l’enquête révèle l’immoralité absolue
des bourreaux et de leurs commanditaires, cette inhumanité donne au récit une
échelle qui dépasse l’entendement. Comment a-t-on pu laisser tout cela se produire?
Comment des pays civilisés comme la France et les USA ont-ils pu favoriser de
telles atrocités (fournissant armes, dollars et expertises en torture)?
Plus qu’un autre roman noir, Mapuche est un document qui parvient à redonner une humanité à ce
qui n’en a pas, n’en a jamais eu. En
cela donc, Férey parvient avec un talent indéniable à toucher à l’universel
dans ce qu’il peut avoir de plus hideux. Ce n’est jamais facile à lire. L’auteur
truffe son récit de passages absolument horrifiants, tel ce vol de la mort où
une jeune fille est précipitée vivante dans la mer du haut d’un avion.
Un autre coup de maître par un auteur à découvrir pour
tous ceux et celles qui ne le connaissent pas. Caryl Férey marque au fer rouge
le troisième millénaire.