vendredi 18 janvier 2013






Le top du top des polars 2012

Publié le 22 décembre 2012

 
Ne reculant devant rien pour faciliter vos lectures et qui sait achever vos cadeaux des fêtes, nous vous offrons le meilleur. Du bon, que du bon.

Alors, vous avez passé une belle fin du monde? On peut passer à autre chose?

À travers la panoplie incroyable des parutions 2012 sont apparues de très bons romans. Des polars extraordinaires. Des aventures époustouflantes, éprouvantes, amusantes. Nous vous avons préparés une liste. Notre liste. Exhaustive et personnelle. Mais du bon, de l’inouï, de l’inattendu. Bref, les meilleurs parmi les meilleurs.
10- Catégorie polar et terreur.

Le Prix de la Peur de Chris Carter. Un curé décapité qui se retrouve avec une tête de chien! Le ton est donné et l’enquête débute sur un rythme effréné. Quand un tueur met en scène votre pire cauchemar devant la mort, il est normal d’avoir peur. Terrorisant.

9- Catégorie thriller percutant.

Fièvre de Val McDermid. Sixième tome des aventures de Tony Hill le profileur, et Carol Jordan inspectrice en chef. Un prédateur psychopathe piège des adolescents obnubilés par la popularité. Le web est un immense terrain de chasse. Les parents sont impuissants et dépassés. Très peu d’auteurs peuvent se comparer à la grande écossaise. En quantité comme en qualité, Val McDermid conserve son titre de reine du suspense.

8- Catégorie quête du crime parfait.

Deux polars de Keigo Higashino, Le Dévouement du suspect X et Un Café maison. Impossible de les départager. 2 petits chefs-d’œuvre de romans policiers qui mettent à rudes épreuves le sens cognitif des lecteurs. Quelqu’un croit encore que le polar est un genre mineur?

7- Catégorie j’aime tout ce qu’il écrit.

Mapuche de Caryl Férey. Il n’y a rien à  ajouter sinon que les concours littéraires sont arrangés avec le gars des vues. Mais ça vous le saviez déjà. La vraie littérature, celle qui respire, qui inspire. Celle qui vit et se dépasse est ici et c’est nous, les amateurs du genre, qui en profitons. Mapuche c’est la vie qui gronde sous l’écriture sensible de Caryl Férey. Féroce.

6- Catégorie la confession pour tous.

Le Tribunal des âmes de Donato Carrisi. Comment réagir devant la possibilité de se faire justice. Le pardon ou la vengeance ? Ce n’est pas une coïncidence si des endeuillés et des victimes sont confrontés à leurs bourreaux. Suivez le fil de l’intrigue car vous risquez de vous perdre dans ce labyrinthe de confessions. L’auteur italien est un maître d’œuvre incomparable. Phénoménal.

5- Catégorie on renouvelle le genre.

Cool de Don Winslow. On aurait pu douter de ce polar, qui est une préquelle du désormais célèbre Sauvages. C’était sans compter sur les qualités exceptionnelles de cet écrivain hors du commun. Winslow parvient avec cool à renouveler le genre du polar noir sans jamais tomber dans le déjà vu. Un roman brillant et intelligent.

4- Catégorie roman noir.

La française Elsa Marpeau frappe un grand coup avec Black blocs. Lancé au moment même où le printemps érable se déchaînait dans nos rues, le polar résonne avec une pertinence inégalée.

3- Catégorie roman d’enquête.

Le summum est atteint par Le Deuil et l’oubli de John Harvey. Une double histoire de disparition menée par un grand de la littérature britannique. Inoubliable.

2- Catégorie polar québécois.

La palme revient à André Jacques qui emporte, avec De Pierres et de sang, la littérature québécoise vers une sphère jamais atteinte jusqu’ici. Le polar made in Québec ne s’en remettra pas et c’est tant mieux.

1- Catégorie suspense.

Et LE polar de l’année; Juste une Ombre de Karine Giebel. Un thriller psychologique qui touche aux limites du genre. Terreur, étonnement et nuit blanche en prime. Peut-elle faire encore mieux? Vraiment? Le défi est de taille. Un délice de tous les instants.


Sur ce, passez un joyeux temps de lectures!

samedi 15 décembre 2012


Dernier polar avant la fin du monde…

Publié le 12 décembre 2012

Comme si vous y étiez! En fait, vous y êtes… à quelques jours près. À peine le temps requis pour lire ce polar, 12:21 de Dustin Thomason. Entre opportunisme et récupération.

 
 

Il faudrait vraiment être déconnecté pour n’avoir pas entendu les prophéties sur la fin du calendrier maya. Les scénarios catastrophes abondent; un astéroïde, une planète X frappant la Terre, un désalignement, un trou noir, bref n’importe quoi et rien venant perturber notre quiétude à coup d’explosions, de tsunamis, de séismes, etc. La dernière date apocalyptique que nous avions était le changement de millénaire… Les « exégètes » de Nostradamus peinent à prédire le passé… Mais les Mayas viennent à la rescousse avec une précision, une date, une vraie : 21 décembre 2012.

 

À quelques jours de la date annoncée pour la fin du monde, Chel Manu, pourfendeuse des théories sulfureuses sur le sujet, est conservatrice au musée Getty. Guatémaltèque d’origine maya, elle reçoit un manuscrit dérobé dans une tombe maya. Le voleur, Gutierrez et son complice, Volcy, tombent brusquement malades. Le docteur Gabriel Stanton soupçonne une maladie à Prion, transmissible par l’air, sans vaccin ni remède. Chel pressent que la solution se trouve sur les lieux où le codex a été volé, mais elle doit traduire les glyphes. Rapidement, l’infection se répand. L‘état d’urgence est déclaré et Los Angeles mis en quarantaine. La mort gagne du terrain et la population se révolte. Stanton et Manu vont parvenir au Guatemala mais trouveront-ils la tombe, la cause et le remède à temps?

 

Dustin Thomason, dont c’est le second polar après La Règle de quatre (2005), nous entraîne dans une course contre la montre. Il s’agit d’un roman d’anticipation qui flirte avec la dystopie, une vision plutôt noire de l’avenir.

 

La fatidique date du 21 décembre étant toute proche, on peut considérer 12 :21 comme le dernier de sa lignée sur le sujet.

 

Dustin Thomason a voulu surfer sur la fin du monde trop annoncée. En s'appuyant sur des faits connus plus ou moins bidon pour étayer son suspense, l’auteur peine à maintenir une crédibilité nécessaire à l’intrigue. Il suffit au lecteur de ne pas croire à ces histoires, et la vraisemblance du récit est perdue. Pourtant, si on retirait du récit la fin du monde maya, le polar deviendrait passionnant.

 

Dommage car il s’agit d’une bonne histoire, bien élaborée, mais en voulant l’associer au 21 décembre, Thomason a fait fausse route. Le roman escamote le véritable enjeu : trouver un vaccin et freiner les pertes de vies. À cause de l’omniprésence des Mayas et de leur calendrier, le thriller ne tient pas. Trop de bonnes idées sont jetées dans le récit et peu approfondies, amenant le suspense dans une impasse. Et parce que le polar est lié à la prophétie, il ne survivra pas à l’éphéméride.

 

ATTENTION : Date de péremption incluse.

 

Note : C'est le dernier texte avant ma disparition le 20 décembre 23h59.59999...

Après, si j'ai survécu, vous aurez droit à un top 2012 juste à temps pour vos dernières emplettes.

 

 

Dustin Thomason, 12:21, Éditions Calmann-Levy, novembre 2012. Traduction Pascal Loubet (12:21, 2012). 383 pages.

lundi 26 novembre 2012


Polars : Du Québec à l’Australie

  Publié le 25 novembre 2012

Avec De Pierres et de sang, André Jacques livre un polar exceptionnel. Un vol de diamants tourne à la catastrophe aux confins du Canada. Les services secrets français se jettent dans la mêlée avec ceux de la Russie. La GRC tente de démêler le crime. De Yellowknife à Montréal, de Paris à Anvers, l’antiquaire et ex-major de l’armée canadienne Alexandre Jobin suit la piste parsemée de cadavres.

 

 
 
L’ex-soldate Julie Dorval travaille à la sécurité pour une mine de diamants à Yellowknife. Complice des manœuvres frauduleuses des directeurs de l’entreprise, dont le sanguinaire Russe Serguei Belochnikov, elle s’allie à l’Inuit Peter Ugiuk pour voler des pierres. Il veut rendre à sa communauté un énorme diamant dérobé alors qu’elle est plutôt motivée par l’appât du gain. Le braquage tourne mal. Blessée, Julie parvient à rejoindre Montréal où elle reçoit l’aide d’Alexandre Jobin qui va la suivre comme son ombre. Après quelques sanglants épisodes, elle se rend à Anvers pour refiler en contrebande les précieuses pierres. Julie est poursuivie par les Russes, les Français, La GRC, le SPVM, les patrons de la mine et son employeur. Le récit devient alors une hécatombe où les manigances des personnages font place à un sauve-qui-peut lorsque l’agent russe exécute la technique de la terre brûlée (fuir sans rien laisser en vie derrière).

 

 

Le quatrième polar d’André Jacques est un parfait thriller d’aventure. Lorsque Julie dérobe les pierres, elle est loin de se douter dans quel engrenage elle s’embarque. Elle parvient à démonter le système de collusion qui permet à une petite minière productrice de diamants de faire le blanchiment des diamants de sang. Le rythme est effréné et le suspense maintenu de bout en bout avec un savoir-faire total. L’auteur affiche une telle maîtrise de son sujet qu’il parvient sans peine à déjouer les prévisions des plus habiles lecteurs. Les retournements de situations sont adroits et imaginatifs.

 

Récit tout en action, De Pierres et de sang étonne et divertit. Véritable « page-turner » le roman mérite l’attention immédiate de tout amateur de littérature policière. Il s’agit de l’un des meilleurs polars à jamais avoir été écrits au Québec.

 

 

En Australie aussi il s’écrit du polar. Darren Williams, Conséquences

 

 
 
Petit village tranquille, Angel Rock est secoué par deux drames. Les frères Ferry se perdent dans le bush australien qui cerne le village. Tom, l’ainé, en reviendra, seul, quelques jours plus tard, incapable de se rappeler ce qui a bien pu arriver à son frère.  Au même moment, Darcy est retrouvée morte à Sidney, un suicide apparent. L’agent Gibson mène l’enquête qui l’amène au domicile de la jeune fille, à Angel Rock. Y a-t-il un lien entre ces deux événements?

 

Conséquences interroge cette vie recluse de petits villages, les haines entre les vieilles familles, les relations tortueuses, les dettes et les jalousies qui déterminent les liens entre les villageois de génération en génération. Il y a quelque chose d’immensément oppressant dans ce polar à tout le moins exotique.

 

L’intrigue se déploie lentement ce qui contribue à l’atmosphère générale du polar qui est étouffante, torride et angoissante. Comme s’il se déroulait dans une étuveuse. Les personnages sont campés avec une virtuosité telle qu’on ressent l’impression de les avoir déjà rencontrés. Gibson, inspecteur tenace et fragile. Pop, le policier local, un grand sage qui veille sur son village et ses habitants. Les villageois qui contribuent à l’ambiance glauque, inquiétante; parfois malsaine souvent fraternelle. Les descriptions des paysages arides de ce bush, ces eucalyptus, ces oiseaux indigènes font de Conséquences une lecture dépaysante fort agréable.

 

Une petite lacune dans la trame narrative; L’utilisation du coup de théâtre. Un personnage oublié, seulement entrevu, surgit en fin d’énigme et vient dénouer toute l’intrigue. La finale du roman devient prévisible et décevante. Le talent de l’auteur est pourtant indéniable et lui, comme nous, méritions mieux.

 

 

André Jacques, De Pierres et de sang, Éditions Druide / Reliefs, septembre 2012. 463 pages.

 

Darren Williams, Conséquences, Éditions Sonatine, octobre 2012. Traduction Fabrice Pointeau (Angel Rock, 2002). 392 pages.

dimanche 4 novembre 2012


Polars  à l’américaine

 
Lyndsay Faye et Elmore Leonard : la jeune romancière et le vieux routier.

 
http://quebec.huffingtonpost.ca/daniel-marois/polars-americains_b_2063697.html?utm_hp_ref=divertissement

publié le 2 Novembre 2012

Dans une forêt en périphérie de New York, un charnier est découvert. Dix-neuf enfants sont trouvés dans un état de putréfaction avancé. Les plus vieux corps y sont depuis 5 ans. On découvre qu’il s’agit de jeunes irlandais de moins de treize ans, orphelins et prostitués. Tous les cadavres sont profanés et des organes ont été prélevés.

 


Le premier roman de l’Américaine Lyndsay Faye, Le Dieu de New York, raconte ce qui de prime abord apparaît comme un (autre) polar sur un tueur en série mais se révèle par la suite toute autre chose. Un véritable délire religieux mêlé à un racisme quotidien.

 

Nous sommes à New York, la mégapole en devenir avec son demi-million de résidants. Il fait chaud, car c’est l’été. Bientôt, cependant, il fera encore plus chaud. L’incendie destructeur de 1845 va ravager les vieux bâtiments en bois. Tim Wilde travaille dans un bar à huîtres lorsque le feu se déclare. Il abandonne tout dans l’espoir de gagner son domicile pour sauver des flammes sa fortune économisée dans le but d’épouser Mercy Underhill. Mais le sort va s’acharner sur lui. Pris au cœur de l’incendie, il est blessé et défiguré. Son frère Val, pompier volontaire, le sauve.

 

Tim n’a plus de logis, est sans emploi et ruiné. Bien malgré lui, il accepte alors de faire partie des forces de l’ordre nouvellement créées. Lors d’une patrouille, il trouve une fillette en fuite, couverte de sang. C’est le début d’une aventure horrifiante. Il découvre une fosse commune dans laquelle repose des enfants et, remontant la piste, dévoile toute une facette horrifiante de la société new-yorkaise, le racisme envers les nouveaux arrivants, principalement des Irlandais de confession catholique. Chaque chapitre est d’ailleurs précédé d’une citation d’époque attisant la haine des papistes irlandais.

 
Polar d’envergure parce qu’il ne se limite pas à construire une scène de crime puis à faire évoluer les personnages au gré de l’enquête. Lyndsay Faye utilise avec bonheur des moments historiques de la ville de New York. L’incendie, mais surtout les cargaisons d’immigrants Irlandais qui débarquent à pleins quais; malades, pauvres, affamés. Ces « voleurs de jobs » chassés de leur pays par la maladie de la patate qui apportent leur foi catholique (papiste) au pays du protestantisme. Les natifs déclenchent presque une guerre civile contre les nouveaux arrivants et lorsqu’ils apprennent par les journaux la présence d’un charnier, qu’on découvre le cadavre d’un autre garçonnet dans une poubelle, puis l’assassinat d’un enfant dans une église papiste, la violence s’exacerbe davantage. Un fou veut tuer tous les Irlandais avant qu’ils ne contaminent la ville.

 
Pour les amants de New York d’abord. Pour les amateurs de bons polars, ensuite. Le Dieu de New York est un régal.

 

 

La Simplicité volontaire selon Elmore Leonard

 

Auteur tout aussi légendaire que prolifique, Elmore Leonard poursuit, avec le recueil Connivence avec l’ennemi, une œuvre exemplaire qui explore et témoigne des turpitudes de l’Américain moyen.

 

D’abord publié dans le New York Times sous forme de feuilleton, le polar est introduit avec deux nouvelles racontant les débuts du policier Carl Webster. Troisième volet de la série de romans consacrés au marshal après Le Kid de l’Oklahoma et Hitler’s Day. Connivence avec l’ennemi semble, avant tout, une anecdote allongée.

 

Oklahoma accueille un camp de prisonniers de guerre Allemands. Nous sommes en 1944. Le prisonnier Jürgen Shrenk soudoie un gardien et s’échappe régulièrement avant de revenir au camp. Carl Webster le soupçonne de retrouver Shemane, une beauté locale aux mœurs plutôt libres. Or, la loi interdit ce type de rapport avec l’ennemi. Elmore Leonard, à sa manière habituelle, va ajouter au récit quelques éléments perturbateurs tels un gangster juif, l’épouse de Webster, Louly, instructrice chez les marines, quelques truands patauds, des femmes fortes et fatales, Gary, le jeune marshal, qui voudrait avoir la gâchette aussi facile que Webster… Le tout servi avec des dialogues savoureux…

 

Connivence avec l’ennemi n’est certes pas un titre clef pour connaître et apprécier l’œuvre de ce grand auteur. Vite lu, il  ne fera pas partie des romans inoubliables.

 

Elmore Leonard est le Woody Allen du polar noir / western, explorant sans cesse les mêmes pistes, s’enfonçant toujours davantage dans la psyché humaine, parvenant parfois à saisir l’immatériel… et c’est peut-être cela qui donne au texte ce petit côté aérien, léger et grave à la fois.

 

On dirait presque qu’il écrit en apesanteur tant le style est éthéré. Des faits, uniquement des faits. Un savant mélange d’action et de dialogues sans état d’âme, sans description. Pourquoi complexifier quand tout peut être si simple? Mais ne vous y trompez pas, c’est du grand art. Elmore Leonard éblouit ses lecteurs avec cette insoutenable légèreté. Pour arriver à un tel équilibre, parvenir à passionner son auditoire avec si peu de moyens demande des qualités rares.

 

Lyndsay Faye, Le Dieu de New York, Éditions Fleuve Noir, 14 septembre 2012. Traduction Carine Chichereau (The Gods of Gotham, 2012). 503 pages.

 Elmore Leonard, Connivence avec l’ennemi, Éditions Rivages / Thriller, août 2012. Traduction Johanne Le Roy (Comfort to the enemy, 2009). 235 pages.

samedi 22 septembre 2012


Polar apocalyptique: Flashback! de Dan Simmons
par Daniel Marois

posté le 30 septembre 2012

Flashback, la vision cauchemardesque du grand Dan Simmons. Les É.-U. sont en pleine décadence. La fin du monde est proche. Les américains se droguent au Flashback. Ils dérivent vers l’apocalypse.



Nous sommes à Denver, Colorado, en 2035. Les États-Unis d’Amérique ont subi le même sort que les grands empires du passé. Non seulement ont-ils perdu toute influence sur le reste du monde, mais une partie de leur territoire a été conquis par la reconquista du Nuevo Mexique. Une guerre civile meurtrière fait rage en Californie. Le Texas a déclaré son indépendance et est devenu une République. Les autres États croupissent sous l’influence du Japon, le grand gagnant de l’effondrement américain et asiatique. Quant au reste du monde — l’Europe, le Canada —, ils sont contrôlés par la seconde puissance en titre, le Califat Global, né du regroupement des États arabes unis.


Ex-inspecteur de la police de Denver, Nick Bottom est engagé par le conseiller fédéral Hiroshi Nakamura afin de résoudre une fois pour toutes l’enquête au sujet de l’assassinat de Keigo Nakamura, son seul héritier. Il y a six ans, Bottom avait mené les investigations. Il est le seul à pouvoir réinterroger tous les témoins encore vivants.  Comme la plupart des Américains, l’ex-inspecteur est devenu accro au flashback, une drogue qui permet de revivre en réel des événements choisis de son passé. Il revit donc sans cesse les moments heureux avec Dara, son épouse assassinée à la même période où le fils Nakamura mourait. Véritable junkie, Bottom accepte de reprendre l’enquête seulement pour pouvoir se payer sa dose et retourner auprès de sa femme. Peu dupe, le conseiller le fait accompagner par son bras droit, le colonel Sato.


Mais bientôt, Nick Bottom se trouvera devant un inextricable dilemme. S’il découvre le meurtrier, Nakamura le tuera. S’il ne résout pas le mystère, Nakamura le fera tuer.


Le roman d’anticipation de Dan Simmons recèle de nombreuses qualités littéraires. Le portrait global des puissances est une vision intéressante et probable. La guerre civile en Californie à laquelle est confronté le personnage principal est dépeinte avec habileté. Dan Simmons sait insuffler la vie à ses nombreux personnages et maintient le rythme avec rigueur. Mais ces qualités ne suffisent pas à retenir un récit qui sombre sous la perspective politique. La subtilité du propos ne fait certes pas partie des qualités du roman.


Sous-jacent au récit se cache une haine fanatique du monde arabe et une critique peu reluisante des social-démocraties. Le Canada, anglais et français, est constitué d’individus veules. Fiers de leur multiculturalisme. Ils sont avalés par le Califat Global. L’Europe en grave crise économique se laisse acheter à vil prix. La mise en abyme des thèmes qui font de Flashback un véritable pamphlet républicain ne s’arrête pas là. Les É.-U., affaiblis par les attaques du 11 septembre 2001 et la crise économique de 2008, ont mis en berne leur rôle de shérif mondial, abandonné l’Europe et ne sont pas intervenus pour empêcher les États arabes de lancer une bombe nucléaire détruisant Israël. Replier sur eux-mêmes, les Américains ont tenté de résoudre leurs problèmes en multipliant les politiques d’apaisement envers les musulmans et en instaurant des programmes sociaux distribuant la richesse vers les plus démunis.


Cette vision éminemment apocalyptique aura une fin heureuse lorsque le Shogun japonais s’alliera à la République du Texas pour mener une guerre nucléaire contre le Califat Global.


Flashback s’est peut-être un peu trop nourri aux peurs sans fondement des enjeux mondiaux. Les manchettes, la radio poubelle et les débats d’opinions ne sont pas des sources d’information crédibles. Le dernier né de l’imaginaire de Dan Simmons est une dystopie caricaturale. C’est fort dommage et je le regrette. Le grand roman d’anticipation attendu est torpillé par une grimace idéologique.



Dan Simmons, Flashback, Éditions Robert Laffont, ailleurs & demain, juin 2012. traduction Patrick Dusoulier (Flashback, 2011). 516 pages.

mercredi 29 août 2012


Malphas 2 de Patrick Senécal: damné cégep!
par Daniel Marois
 
 
Posté le 5 septembre 2012
 

Patrick Senécal revient pile pour la rentrée avec le second tome des aventures de Julien Sarkozy. Avec Malphas 2. Torture,luxure et lecture, c’est le retour du plus ludique des auteurs québécois. Un roman délirant, ensorcelant.

 
 
 

Dans le premier épisode, le nouveau professeur de littérature Julien Sarkozy était confronté à des casiers qui broyaient les corps des étudiants. Il n’est pas indispensable, mais préférable, d’avoir lu le premier tome pour apprécier le second. Cette fois, une semaine après les casiers carnassiers, le cégep Malphas ouvre à nouveau ses portes. Les événements antérieurs ne sont toujours pas résolus, le suspect est encore en fuite, que de nouveaux drames pointent déjà.

 

Le professeur Michel Condé lance un club de lecture. Zola, Vian, Houellebecq, Éco, Nabokov, Thui, Gilbert, Soucy et Sade sont au programme. Inscrit au club, le héros du premier tome, Julien Sarkozy opte pour Romain Gary. Les rencontres se tiendront dans une classe nouvellement rénovée suite à un incendie. Sarkozy, qui essaie toujours de comprendre ce qui est arrivé avec les casiers, est à nouveau face à des énigmes. Il parvient à éclaircir certains éléments, mais d’autres s’ajoutent et viennent obscurcir davantage le mystère. Les participants du club commencent à sérieusement dérailler. Le local semble hanté et les lectures à haute voix deviennent des pièges mortels.

 

Je n’en dirai pas plus, vous laissant le privilège de découvrir ce qui se trame dans ce cégep damné!

 

Patrick Senécal met en mots la petite communauté de Saint-Trailouin et son improbable cégep Malphas, du nom d’un obscur démon. Complètement lâché lousse, il explore cet univers avec un bonheur jouissif, imaginant souvent le pire, décrivant l’odieux enrubanné d’un humour grinçant, ironique, sarcastique, voire sadique. Malphas est une série qui oscille avec allégresse entre les codes des romans de genre. Policier, humour, fantastique et horreur sont ainsi enchevêtrés, et l'auteur navigue de l'un à l’autre, véritable écrivain-funambule, créant un univers duquel le lecteur ne décroche pas, admettant l’improbable, l’invraisemblable jusqu’à l’impossible.

 

Senécal distribue généreusement son imaginaire débridé, l’ennui étant certainement le dernier qualificatif qu’on peut attribuer à la série. Je ne suis pas près d’oublier la scène d’anthologie ou une pauvre bougresse, après avoir récité un extrait de Le nom de la rose, grignote avidement un livre en verre.

 

Malphas est prodigieusement divertissant, intelligent et écrit avec une efficacité troublante. C’est possible au Québec. Roman après roman, Patrick Senécal le prouve.

 

Patrick Senécal, Malphas 2. Torture, luxure et lecture, Éditions Alire, 23 août 2012. 498 pages.

lundi 13 août 2012

Polar nordique: Femmes sur la plage de Tove Alsterdal
par Daniel Marois

http://quebec.huffingtonpost.ca/daniel-marois/polar-nordique-femmes-plage_b_1768497.html
posté le 12 août 2012


Journaliste, dramaturge et scénariste, Tove Alsterdal s’est lancée dans le polar en 2009. Le résultat :  Femmes sur la plage, une enquête à saveur européenne qui nous fait parcourir la France, le Portugal, l’Espagne et la République Tchèque, le tout à la manière nordique, car l’auteure est Suédoise.



Journaliste pigiste, le New Yorkais Patrick Cornwall croit bien avoir déniché un sujet qui lui vaudra enfin un prix Pulitzer. L’esclavagisme moderne. Cependant, peu de temps après son arrivée à Paris, il disparaît mystérieusement. Inquiète de ce silence inhabituel, son épouse Ally Cornwall se rend en France pour le retrouver. Elle descend au même hôtel et suit la piste. Indices après indices, Ally parvient à faire trembler la redoutable organisation qui exploite les esclaves. Patrick Cornwall s’était rendu au Portugal là où sa piste arrête. Ally découvre enfin ce qui est arrivé à son amoureux et qu’importe les menaces et l’agression dont elle sera victime, sa vengeance sera terrible.

La traite des humains est un sujet délicat et complexe. Ces malheureux africains qui quittent leurs pays en quête d’une vie meilleure et qui tombent dans les filets de l’organisation criminelle sont achetés, vendus, tués sans le moindre scrupule. Véritable foire aux bestiaux, l’humain est asservi par des puissances occultes, dont les dirigeants sont vus comme des leaders, des décideurs. Sujet complexe donc, condensé dans un petit roman avec une finesse époustouflante! Rien à couper, rien à ajouter. L’équilibre est parfait.

Le système de la traite des humains et le portrait global, mais aussi cette froide vengeance ou la femme dépossédée, incapable d’obtenir une condamnation, applique la loi et se fait justice.

Le premier polar de Tove Alsterdal est une totale réussite et la traduction de son second est attendue avec impatience. La Suède continue d’étonner. Une véritable petite mine pour les amateurs du genre!

Tove Alsterdal, Femmes sur la plage, éditions Actes Sud actes noirs. Juillet 2012. 333 pages.