Polars
à l’américaine
Lyndsay Faye et Elmore Leonard : la jeune romancière et le vieux
routier.
publié le 2 Novembre 2012
Dans une forêt en périphérie de New York,
un charnier est découvert. Dix-neuf enfants sont trouvés dans un état de
putréfaction avancé. Les plus vieux corps y sont depuis 5 ans. On découvre
qu’il s’agit de jeunes irlandais de moins de treize ans, orphelins et
prostitués. Tous les cadavres sont profanés et des organes ont été prélevés.
Le
premier roman de l’Américaine Lyndsay Faye, Le
Dieu de New York, raconte ce qui de prime abord apparaît comme un (autre)
polar sur un tueur en série mais se révèle par la suite toute autre chose. Un
véritable délire religieux mêlé à un racisme quotidien.
Nous
sommes à New York, la mégapole en devenir avec son demi-million de résidants.
Il fait chaud, car c’est l’été. Bientôt, cependant, il fera encore plus chaud.
L’incendie destructeur de 1845 va ravager les vieux bâtiments en bois. Tim
Wilde travaille dans un bar à huîtres lorsque le feu se déclare. Il abandonne
tout dans l’espoir de gagner son domicile pour sauver des flammes sa fortune
économisée dans le but d’épouser Mercy Underhill. Mais le sort va s’acharner
sur lui. Pris au cœur de l’incendie, il est blessé et défiguré. Son frère Val,
pompier volontaire, le sauve.
Tim
n’a plus de logis, est sans emploi et ruiné. Bien malgré lui, il accepte alors
de faire partie des forces de l’ordre nouvellement créées. Lors d’une
patrouille, il trouve une fillette en fuite, couverte de sang. C’est le début
d’une aventure horrifiante. Il découvre une fosse commune dans laquelle repose
des enfants et, remontant la piste, dévoile toute une facette horrifiante de la
société new-yorkaise, le racisme envers les nouveaux arrivants, principalement
des Irlandais de confession catholique. Chaque chapitre est d’ailleurs précédé
d’une citation d’époque attisant la haine des papistes irlandais.
Auteur
tout aussi légendaire que prolifique, Elmore Leonard poursuit, avec le recueil Connivence avec l’ennemi, une œuvre
exemplaire qui explore et témoigne des turpitudes de l’Américain moyen.
D’abord publié dans le New York Times
sous forme de feuilleton, le polar est introduit avec deux nouvelles racontant
les débuts du policier Carl Webster.
Troisième volet de la série de romans consacrés au marshal après Le Kid de
l’Oklahoma et Hitler’s Day. Connivence avec l’ennemi
semble, avant tout, une anecdote allongée.
Oklahoma accueille un
camp de prisonniers de guerre Allemands. Nous sommes en 1944. Le prisonnier
Jürgen Shrenk soudoie un gardien et s’échappe régulièrement avant de revenir au
camp. Carl Webster le soupçonne de retrouver Shemane, une beauté locale aux
mœurs plutôt libres. Or, la loi interdit ce type de rapport avec l’ennemi. Elmore
Leonard, à sa manière habituelle, va ajouter au récit quelques éléments
perturbateurs tels un gangster juif, l’épouse de Webster, Louly, instructrice
chez les marines, quelques truands patauds, des femmes fortes et fatales, Gary,
le jeune marshal, qui voudrait avoir la gâchette aussi facile que Webster… Le
tout servi avec des dialogues savoureux…
Connivence
avec l’ennemi n’est certes pas un
titre clef pour connaître et apprécier l’œuvre de ce grand auteur. Vite lu, il ne fera pas partie des romans inoubliables.
Elmore
Leonard est le Woody Allen du polar noir / western, explorant sans cesse les
mêmes pistes, s’enfonçant toujours davantage dans la psyché humaine, parvenant
parfois à saisir l’immatériel… et c’est peut-être cela qui donne au texte ce
petit côté aérien, léger et grave à la fois.
On
dirait presque qu’il écrit en apesanteur tant le style est éthéré. Des faits,
uniquement des faits. Un savant mélange d’action et de dialogues sans état
d’âme, sans description. Pourquoi complexifier quand tout peut être si simple?
Mais ne vous y trompez pas, c’est du grand art. Elmore Leonard éblouit ses
lecteurs avec cette insoutenable légèreté. Pour arriver à un tel équilibre,
parvenir à passionner son auditoire avec si peu de moyens demande des qualités
rares.
Lyndsay
Faye, Le Dieu de New York, Éditions
Fleuve Noir, 14 septembre 2012. Traduction Carine Chichereau (The Gods of Gotham, 2012). 503 pages.
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