vendredi 2 mars 2012


Au cœur de l’invraisemblable, Storyteller de James Siegel

Par Daniel Marois

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Polar paranoïaque, Storyteller, de James Siegel, est une variation sur le thème éculé de l’arroseur arrosé!





 Le polar américain se cherche. Il y a bien quelques éclaircies ici et là, mais pas de tendances palpables. Comme si tous les écrivains avaient perdu la main en même temps. En même temps que leur économie, leur maison, le sens commun, le sens tout court? Les USA ne sont plus ce qu’ils étaient!


James Siegel est un Américain de 57 ans issu du milieu publicitaire. Storyteller est son quatrième titre traduit en français. Il s’agit d’un suspense à la sauce paranoïaque, un roman du grand complot. En tout cela, rien de mal. Voyez plutôt.


Autrefois célèbre et envié, reporter vedette pour un grand quotidien national, Tom Valle se fait coincer dans un scandale. D'abord, des irrégularités sont mises à jours: incohérences, faits mal rapportés, afin de rendre la nouvelle plus spectaculaire, plus émouvante. Puis une enquête plus poussée révèle que 56 reportages s’avèrent des faux.


Le journaliste souffre de mythomanie chronique et ne peut s’arrêter d’inventer des histoires de plus en plus invraisemblables. Sa carrière est brisée et il ne trouve qu’un seul employeur, un petit journal local de Littleton en Californie dont les reportages les plus excitants sont des accidents de voitures ou l’ouverture d’un centre commercial.


Jusqu’ici tout va bien. Le personnage est ancré dans le décor et le lecteur ne peut que jubiler en parcourant les malheurs et la honte qui s’abattent sur l’homme.


Mais Tom Valle s’ennuie dans ses fonctions. Alors qu’il couvre les festivités autour d’une centenaire, il est envoyé sur les lieux d’une collision dans laquelle un conducteur est décédé. Le choc a été terrible et le véhicule a pris feu. La dépouille est calcinée. On trouve malgré tout un portefeuille qui permet d’identifier la victime, un homme blanc. Le médecin qui agit à titre de coroner identifie plutôt le cadavre comme celui d’un homme noir.


Tom Valle voit l’occasion de réhabiliter sa réputation en y allant d’un reportage de son cru afin de délier les fils de cette histoire abracadabrante. Il tombe ainsi dans un engrenage monstrueux qui va l’emmener aux quatre coins des USA, lui faisant à maintes reprises risquer sa vie. Déterminé comme jamais, le journaliste va parvenir à déterrer un complot ourdi par les plus hautes instances du gouvernement et à déjouer toutes les tentatives pour le faire taire.


Storyteller raconté en version courte peut vous paraître alléchant. Malheureusement, sur la durée, il ne tient pas la route. Il est difficile de croire qu’un gouvernement dresse une conjuration de cette ampleur juste pour écarter du chemin de la vérité ce journaliste sans envergure possédant zéro crédibilité.


De plus, un thriller qui se respecte doit aligner son rythme afin de créer un effet de suspense. Rien de tel ici alors que tous les éléments de l’intrigue tombent à plat.


Ce journaliste qui a le temps de publier 56 faux avant d’être découvert? Absurde.
Cet assassin maladroit qui tente à plusieurs reprises de tuer Tom Valle sans jamais y parvenir? Complaisant. Le récit est truffé d'événements grotesques et invraisemblables du genre.


Je suis peut-être trop rigide, mais je n’accepte pas de me faire mener en bateau. C’est une question d’univers. Créer de toute pièce un monde d’anticipation, de science-fiction, de fantastique, est une chose. Fabriquer de l’invraisemblable avec la réalité passée en est une autre. Il y a un malaise à découvrir que  l’intrigue est tirée par les cheveux.


Outre les raccourcis que l'auteur prend avec les faits, le personnage de Tom Valle est antipathique et toutes ses tentatives de réhabilitation laissent froides.


Storyteller est peut-être un succès de marketing, mais la petite histoire du polar n’en retiendra qu’un suspense journalistique mal ficelé.


James Siegel, Storyteller, Éditions Cherche-Midi, 9 janvier 2012 traduit par Simon Baril (Storyteller 2006). 462 pages.

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