Polar au féminin, Black Blocs!
Par Daniel Marois
Par Daniel Marois
http://quebec.huffingtonpost.ca/daniel-marois/polar-au-feminin-black-blocs_b_1325414.html?ref=divertissement
Posté le 8 mars 2012
Posté le 8 mars 2012
Cette
semaine, par hasard (!), il sera question de polars écrit par une femme. Une
rareté, croyez-vous? Une gâterie? Un caprice, peut-être? Elsa Marpeau n’a rien
d’un bonbon, croyez-moi, ou alors un bonbon noir qui explose en bouche!
Si l’on remonte le temps,
jusqu’aux origines des romans de genre (au sens large, allant des romans
d’aventures, façon Walter Scott, à Alexandre Dumas père) en passant par la
création du fantastique (qui donne naissance au roman noir (le gothique)). Un
nom surgit et ce n’est pas celui d’un mâle. Mary Shelley et son Frankenstein (1818). Elle est anglaise,
comme le sera Agatha Christie. Dès le début on trouve des femmes à la plume
bien acérée!
Maintenant, vous n’avez pas
à chercher longtemps dans les méandres de vos mémoires pour faire ressurgir des
auteures. De Patricia Highsmith à Mary Higgins Clark. De la reine actuelle, Val
McDermid à ses prétendantes, Laura Wilson et Louise Welsh. De Patricia Cornwell
à sa version américano-québécoise Kathy Reich. Martha Grimes, lauréate 2012 du
prix Grand Master, Minette Walter, etc. Leur littérature policière présente les
protagonistes dans un univers décloisonné permettant une plus grande place à la
vie familiale et amoureuse.
Black
Blocs
Mais s’il y a beaucoup
d’auteures qui s’adonnent au polar, force est d’admettre qu’elles se cantonnent
majoritairement au roman d’enquête et au suspense. C’est ici que nous revenons
à la chronique régulière, car notre sujet du jour, vous l’aurez déduit est une
femme, une auteure française qui ne fait pas dans la dentelle! Elle s’empare du
roman noir et le secoue avec une stylistique, une prose, un souffle qui
surprend le plus aguerri des lecteurs.
Elsa Marpeau revient à la
Série noire avec Black Blocs aux Éditions Gallimard.
Son premier titre, Les Yeux des morts,
s’est mérité en 2011 le prix Nouvel Obs-Bibliobs du roman noir. Grande amatrice
des auteurs David Peace, Marin Ledun et Antonin Varenne (lire un entretien ici),
son troisième polar est déjà prêt.
Black
Blocs raconte les péripéties de Swann Ladoux, une technicienne
en laboratoire de l’université de Jussieu à Paris. Déambulant à travers une
manifestation, elle retourne à son logis dans lequel elle découvre son conjoint
assassiné d’une balle dans le dos. Swann ne réagit pas comme on pourrait s’y
attendre. Au contraire, elle lorgne le cadavre et la mare de sang, touche son
conjoint et glisse même un doigt dans la plaie puis s’étend contre lui jusqu’au
lendemain matin ou elle alertera les autorités. Cette réaction curieuse vient
ancrer l’impression persistante d’un grand amour pour feu le professeur Samuel
Bordat.
La scène de crime est
examinée par des policiers lorsque se présente le commandant Legal et le
capitaine Bouveresse, des agents spéciaux appartenant à la direction centrale
du renseignement intérieur. Qu’est-ce que Samuel peut bien avoir à faire avec
un service anti-terroriste? L’univers de Swann déjà bousculé par la mort
violente se déchire un peu plus. Elle découvre tout un pan jusqu’ici inconnu de
la vie de son conjoint. Il n’était pas que professeur à Jussieu, il était aussi
informateur pour les affaires anti-terroriste (SDAT). Elle apprend que Samuel
possédait une maison à Montreuil, laquelle est occupée par des révolutionnaires
anarchistes qui ne rêvent qu’à faire exploser des bombes et nuire aux grands
capitalistes. Samuel était le leader et le plus violent d’entre eux.
La double vie de son
conjoint fascine Swann. Mais sous des allures placides, elle bouillonne de rage
et suit chaque piste tentant de
découvrir le meurtrier afin de le tuer.
Black
Blocs s’inscrit tout naturellement dans la série noire en
présentant une vue interne d’un groupuscule de l’ultragauche. Au départ, Swann
Ledoux est une petite bourgeoise comme les autres, elle en vient à se
cristalliser aux contacts du groupe de manifestants. Sa vie bien tracée
jusqu’alors bascule dans une violence revendicatrice qui lui plaît.
L’écriture d’Elsa Marpeau
est précise et emprunte souvent des accents poétiques pour accentuer les
éléments sombres et lugubres du récit. La description de la manifestation
contre l’OTAN est une pièce d’anthologie à elle seule. Un sujet déroutant
traité avec un savoir-faire qui laisse espérer d’autres polars aussi tonitruants.
Elsa Marpeau est une auteure à surveiller de près.
Elsa Marpeau, Black Blocs, éditions Gallimard Série
Noire, 7 mars 2012, 323 pages.
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