Polar à la française: Les visages écrasés, de Marin Ledun
Daniel Marois
Posté le 28/09/11
Le lecteur entre dans la tête du narrateur, la docteure Carole Matthieu,
qui pratique la médecine du travail au centre d’appel régional de Valence. Dès
le départ, on se trouve au cœur du mal. Le travail abrutissant, les heures trop
longues, la productivité, la concurrence. Les primes coupées, les postes
abolis. Et toujours ces objectifs inatteignables.
Le bureau de Carole devient le réceptacle de toutes les histoires
personnelles, du sentiment de dévalorisation, des idées suicidaires. Elle n’en
peut plus et se gave de médicaments pour garder l’équilibre. Elle ne mange
plus, ne dort plus, et une idée l'obsède: faire payer l’entreprise et ses
actionnaires pour les souffrances des travailleurs.
Perdant pied, elle soulage les malheurs d’un salarié avec son arme.
Entre en scène l’inspecteur Revel qui mène l’enquête. Carole tente d’orienter
son investigation pour lui faire comprendre la responsabilité de l’entreprise
dans tous ces malheurs. Est-ce que les victimes sont celles que l’on croit?
Tuer ses patients serait-il un moyen pour faire éclater la vérité?
L’identification du lecteur à Carole annihile toute tentative de
jugement de valeur. Comme la narratrice, on oscille entre impuissance et
culpabilité. On suit les circonvolutions de ses pensées et on assiste désarmé
au dérapage final.
Impitoyable, l'auteur Marin Ledun condamne sans appel les milieux de
travail malsains. À 36 ans, il signe ici son huitième titre, le second dans la
série noire (après La Guerre des vanités), pour lequel il était finaliste au
grand prix de littérature policière 2011. La relève du polar français a
maintenant un nom!
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